27 juillet 2024

Rencontre avec les « médecins de l’orgue » de la cathédrale

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Bernard Cogez et Thierry Brousseau sont sans aucun doute les deux personnes qui connaissent le mieux l’orgue de la cathédrale de Tunis. Depuis 2008, ils entretiennent et restaurent cet instrument emblématique. Alors qui de mieux pour en parler à l’occasion de la célébration de son centenaire ? Rencontre avec ces deux passionnés d’orgues venus tout droit du nord de la France.

Si vous avez eu l’occasion de vous glisser dans la cathédrale en ce début du mois de mai, vous avez probablement entendu une étrange musique, des notes longtemps appuyés et successivement joués : l’orgue se refaisait une beauté ! Bernard et Thierry n’ont pas chômé. Tuyau par tuyau (cet orgue en compte pas moins de 2 500…), ils ont minutieusement réglé chaque note en vue du concert du 10 mai. « Pour ce concert, on peut imaginer qu’il y aura foule. Et ces gens viennent pour avoir de la qualité, donc l’orgue doit être nickel. On ne vient pas du Nord de la France jusqu’à Tunis pour faire les choses à moitié ! », lance Bernard Cogez, facteur d’orgue depuis près de 50 ans. Avec Thierry, ami passionné comme lui et organiste, il vient à Tunis depuis 2008 pour veiller sur l’orgue. Aujourd’hui, ils connaissent l’instrument comme personne. « Il y a un attachement à cet orgue, à la cathédrale, aux personnes rencontrées ici… On a pleins de souvenirs », confie Bernard.

« Faire parler l’orgue »

Lors de changements de température, l’orgue se désaccorde. « Les tuyaux me demandent de les accorder, de les faire beau », assure le facteur d’orgue. A ses côtés, Thierry, qui travaille dans le milieu médical, l’aide dans cette réalisation. De formation plus scientifique, sa manière de travailler et de voir les choses est différente. L’artisan, l’artiste, c’est Bernard. Deux profils différents et très complémentaires : « Quand on est face à un problème, on échange. On n’a pas toujours la même vision, mais c’est ça qui est intéressant justement », confie Thierry.

Il y a quatre ans environ, les deux amis ont réalisé une grosse restauration de l’orgue. Certaines pièces vétustes ont été entièrement refaites dans l’atelier de Bernard en France, puis acheminées à Tunis pour être montées dans le buffet de l’instrument. « Les peaux des soufflets, qui envoient l’air dans les tuyaux, étaient abimées », explique Thierry. Des peaux de moutons espagnols soigneusement choisies par Bernard. Car de la qualité des matériaux dépend la qualité de la musique… Cette année, avant le concert, le travail était très différent. L’objectif étant d’accorder l’orgue, de « faire parler l’orgue » pour reprendre l’expression de Bernard, qui compare son métier à celui du médecin ou de l’orthophoniste. « On commence par un diagnostic de l’orgue, puis on procède par étape : d’abord le ventilateur, puis les mécanismes, les touches, etc. »

Un métier-passion, une vocation

Bernard a plus de 130 orgues construits et restaurés (entièrement) à son actif. Tuyaux, soufflets, boiseries, harmonisation : pour être facteur d’orgue, il faut toucher à tout, être minutieux… et patient ! « C’est un métier passion » affirme Bernard qui n’oublie pas de mentionner les contraintes du métier. « On est souvent seul, dans des églises froides, dans l’obscurité. Pour faire ce métier, il faut être passionné ».

Menuisier, ébéniste, charpentier et métreur de formation, c’est à l’âge de 25 ans que Bernard décide de devenir facteur d’orgue. Il se forme alors sur le tas, dans une entreprise du nord de la France. Mais cette vocation est en réalité plus ancienne… « Déjà, jeune, j’étais enfant de choeur pour être près de l’orgue ! » Le plus grand bonheur de Bernard ? « Entendre l’orgue jouer et donner du bonheur aux gens ! Quand j’entends jouer, je vois dans ma tête tout ce qui se passe à l’intérieur de l’orgue ».

Pour ses 100 ans, l’orgue s’est donc refait une beauté - sonore - pour durer encore dans le temps. Mais quel est l’espérance de vie d’un tel instrument ? D’après Bernard et Thierry, plusieurs centaines d’années : « En Suisse, il y a un orgue vieux de 500 ans ». Celui de Tunis pourra sans doute continuer à jouer aussi longtemps qu’un « médecin d’orgue » veillera sur lui. Aujourd’hui en tout cas, l’orgue est en très bon état grâce au travail de ces deux amis passionnés ! Comme neuf, mais riche d’histoire(s)…

Noé Couture

 

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