Le 10 mai, la salle de la bibliothèque diocésaine était comble, environ 80 personnes, pour accueillir une rencontre spirituelle organisée par le Groupe de Recherche Islamo Chrétien (GRIC)* sur le thème de « l’Espérance : une fenêtre sur l’éternité. »

Pour situer ce thème nous avons esquissé la notion d’espérance

- D’abord en Islam, notion qui occupe une place primordiale dans la tradition musulmane. L’espérance y est une notion théologique, spirituelle, transcendante et mystique. Il s’agit en fait de s’accrocher à la parole de Dieu, avec un cœur qui aspire et attend son secours dans ce monde et le salut dans l’au-delà. Ainsi, les croyants espèrent la miséricorde divine. Selon Uthman Ibn Affen, compagnon du prophète et troisième calife de l’Islam, le verset le plus beau et qui porte le plus d’espérance est le verset 49 de la sourate 49, Al-Hijr : « Informe Mes serviteurs que c’est Moi le Pardonneur, le Très Miséricordieux ».

L’espérance est une notion liée à Dieu lui-même ; elle est donc éternelle. L’espérance est liée à la confiance en Dieu : elle ne s’éteint pas avec le doute ; elle permet de traverser sereinement les épreuves jusqu’à la rencontre de Dieu.

Cependant l’espérance et la confiance en Dieu sont invalides sans actes. L’espérance est associée à l’action. Elle s’attache au fruit des œuvres. L’espérance n’est pas passive ; elle s’accompagne d’œuvres pieuses et de l’attente du terme fixé par Dieu à la vie de chacun et la fin du monde Pour que l’espérance ne devienne pas une confiance outrecuidante, il faut la mêler à la crainte. L’espérance, mêlée à la crainte, empêche cette dernière de devenir une crispation paralysante. Dans le Coran, l’espérance et la crainte ne sont pas antinomiques. Dans tous les cas, la crainte ne doit pas conduire à la désespérance mais à la confiance :« Dis : "Ô Mes serviteurs qui avez commis des excès à votre propre détriment, ne désespérez pas de la miséricorde de Dieu. Car Dieu pardonne tous les péchés. Oui, c'est Lui le Pardonneur, le Très Miséricordieux". (39 : 53)

- Puis dans le christianisme : Pour nous espérer est d’abord une exigence de foi. Ne soyez pas tristes comme ceux qui sont sans espérance. (1Th4.13) ou Soyez toujours prêts à rendre compte de votre espérance devant ceux qui vous le demandent, mais que ce soit avec douceur et respect. (1 Pierre 3.15) Notre espérance est fondée sur le témoignage : celui de Jésus, à qui Dieu a rendu vie au-delà de la mort et l’a élevé auprès de Lui. Notre espérance est donc aussi celle d’une vie après la mort illuminée par l’amour de Dieu. Mais « espérer » est aussi quelque chose de très concret : vivre dans l’espérance, c’est adopter un regard renouvelé sur chaque événement et sur chaque être, c’est transformer nos vies en occasion d’aimer.

Espérer en Dieu c’est ne pas accepter le monde tel qu’il est mais tel que je peux, avec les autres, le faire advenir pour réaliser le dessein de Dieu sur sa création, c’est-à-dire un monde où tous les êtres vivants ont leur place et où l’homme est un frère pour l’homme. Espérer en Dieu c’est croire en son Amour pour tous les hommes. Espérer en Dieu c’est croire que l’impossible pour l’Homme est possible pour Dieu avec l’Homme.

La plus grande partie de la matinée a été consacrée à une alternance de textes

- chrétiens :

+ La prière du pauvre (Marie-Noëlle) : « |Mon Dieu] Je vous donne ce que j’ai : ma faiblesse, ma douleur. Et cette tendresse qui me tourmente et que vous voyez bien...Et ce désespoir... Et cette honte affolée... Mon mal, rien que mon mal... C'est tout ! Et mon espérance ! […] Seigneur ! Voilà que, comme un chiffonnier, Vous allez ramassant des déchets, des immondices. Qu’en voulez-vous faire, Seigneur ? - Le Royaume des Cieux. »

+ L’espérance (Charles Péguy) : « L’Espérance est une petite fille de rien du tout. Qui est venue au monde le jour de Noël de l'année dernière. C'est cette petite fille pourtant qui traversera les mondes. Cette petite fille de rien du tout. Elle seule, portant les autres [la foi et la charité], qui traversera les mondes révolus ».

+ Je cherche en toi mon refuge (Psaume 71) « 20 Toi qui m'as fait voir tant de maux et de détresses, tu me feras vivre à nouveau, à nouveau tu me tireras des abîmes de la terre, 21 tu m'élèveras et me grandiras, tu reviendras me consoler. »

+ Le Cantique des créatures (François d’Assise) : « Loué sois tu, mon Seigneur pour ceux qui pardonnent par amour pour toi. »

- et musulmans :

+ Je m’approche de Lui (Hadith de al- Bukhari) : « Celui qui s’approche de Moi d’un empan, Je M’approche de lui d’une coudée et celui qui s’approche de Moi d’une coudée, Je M’approche de lui d’une brasse. Et celui qui se dirige vers Moi en marchant, Je M’approche de lui avec empressement ».

+ Si tu pouvais voir où je suis (Cheikh al Alawy) : « Par un acte de pure vision, si ta foi devient certitude, Il se peut que tu me découvres. »

+ Le prisonnier des péchés se tient devant ta porte (Ibn el Faradhi) : « O mon Roi, ne m’humilie pas à cause de mon livre de comptes Le jour où les livres seront distribués Sois mon ami dans l’obscurité de la tombe »

+ Mon cœur s’est endurci (Imam Ash-Shâfi’î) ; « Mon cœur s'est endurci et mes chemins se sont rétrécis. J'ai fait de mon espérance en ton pardon une échelle. »

+ L’amour est ma religion (Ibn Arabi). « Mon cœur est devenu capable d’accueillir toute forme. Il est pâturage pour les gazelles et abbayes pour moines ! Il est un temple pour les idoles, et la Ka‘ba pour qui en fait le tour, Il est Tables de la Thora Et aussi les feuillets du Coran ! La religion que je professe est celle de l’Amour. Partout où mes montures se tournent L’amour est ma religion et ma foi. »

Ces textes alternaient également avec des chants soufis superbement interprétés par quelques membres du Cercle du Dhikr de Túnez, de la Tariqa Aalawya Darkaouia Chedhouliya, et des chants chrétiens offerts par un petit groupe créé pour la circonstance dans une très belle polyphonie.

Ce programme est une façon de concrétiser la raison d’être du GRIC qui est de connaitre, de reconnaitre la foi de l’autre, car nous pensons que, par des chemins différents, nous allons tous vers le même Dieu.

Un moment d’échange en petits groupes a permis à chacun, dans une belle simplicité, de dire ce qu’évoque pour lui l’espérance dans sa vie, avant de partager un moment convivial autour d’un verre de thé.

Nous avons tenté une rencontre des cœurs afin d’offrir une petite lumière à celles et ceux qui souhaitent prendre le chemin du vivre ensemble en Paix.

Marie-Jo Horchani, pour le GRIC Tunis

* Le GRIC est une association qui a vu le jour en 1977, à l'initiative d'un petit groupe d'amis, chrétiens et musulmans, soucieux d'œuvrer ensemble à la rencontre et à la recherche commune, dans le cadre du dialogue islamo-chrétien. L’ensemble des activités du GRIC peuvent être consultées sur son site : https://gric-international.org/