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Les deux rives de la Méditerranée se rencontrent
Connaissance et écoute, témoignages d’une Église qui, rappelant les mots de Benoît XVI, est une « minorité créative ». Dans cet esprit, treize évêques – dix ordinaires, un auxiliaire, deux émérites – et trois prêtres de Sicile ont participé à la visite de l’Église de Tunisie, jumelée depuis 26 ans avec le diocèse de Mazara del Vallo.
Quatre jours, du 15 au 18 septembre, jalonnés par une soif de connaissance et d’écoute, à la découverte d’une réalité catholique qui, dans une terre à grande majorité musulmane, rend témoignage à la lumière de l’Évangile. Les célébrations eucharistiques avec quelques centaines de chrétiens et le témoignage vivant du « service » aux plus nécessiteux, sont autant de signes d’une Église qui se rend proche de tous. Pour les évêques siciliens, ce fut une expérience enrichissante, guidée par l’archevêque de Tunis, Mgr Nicolas Lhernould, qui les a accompagnés tout au long du voyage.
« Le témoignage que nous rendons à l’Evangile dans ce contexte est celui de la vie, à travers l’accueil, l’écoute et l’amour gratuit envers chaque personne rencontrée », a expliqué Mgr Lhernould. Pour les évêques siciliens, cette visite a été l’occasion de découvrir des sites emblématiques de la ville de Tunis. La Médina, la Cathédrale, les vestiges de Carthage, la paroisse Saint-Cyprien…
Les écoles catholiques sont le signe-témoignage d’une présence silencieuse mais significative : « Dans nos écoles, où les élèves aussi bien que le personnel sont tunisiens musulmans, nous voulons être ‘le manteau de Jésus’ : chaque personne qui s’approche de nous doit pouvoir toucher sa présence à travers nous », a affirmé le Père Alamat, secrétaire général des Ecoles Catholiques en Tunisie. Parmi ces établissements, l’école primaire gérée par les sœurs salésiennes à Menzel Bourguiba, située à une heure et demie de voiture de Tunis, que les évêques siciliens ont visitée. Fréquentée par plus de quatre cents élèves, elle est devenue un point de repère pour de nombreux jeunes de la ville.
Les opérateurs de Caritas Tunisie, épaulés par un bon groupe de bénévoles, animent un centre d’écoute, travaillent dans des quartiers populaires, assistent des détenus, distribuent des vêtements et d’autres biens matériels, fournissent des soins médicaux. Ils organisent des ateliers de couture ou d’artisanat pour les femmes, une initiation à l’informatique… « Dans les villes, les inégalités entre riches et pauvres augmentent considérablement. Nous encourageons les jeunes à ne pas s’isoler et essayons de faire sortir les femmes et les enfants pour rencontrer des personnes d’autres quartiers. En ce moment, nous sommes très préoccupés par la situation des enfants laissés dans la rue, qui peuvent être victimes de trafic et d’exploitation ». Sœur Speciosa Mukagatare, directrice de Caritas Tunisie, a réaffirmé que la question migratoire peut être résolue « en investissant dans le développement dans les pays d’origine, en créant des opportunités et des emplois ».
Un tissu de liens anciens unit l’Église sicilienne à celle de Tunis. Les évêques siciliens ont visité la paroisse de Saint-Augustin et Saint-Fidèle, dirigée par les pères lazaristes. On y vénère encore, même de la part des musulmans, une statue de la Vierge de Trapani introduite dans les premières décennies du siècle dernier. Ce lieu de culte, situé dans le quartier de La Goulette (appelé autrefois « la Petite Sicile » en raison de la forte présence d’Italiens), a une histoire qui remonte à 1838, lorsque les premiers registres paroissiaux ont été rédigés. La construction de l’église actuelle a commencé en 1848 et s’est achevée en 1872. En 1898, le cardinal Lavigerie confia la gestion de la paroisse aux ermites de Saint-Augustin, venus de Malte, et elle est devenue un lieu d’attraction, notamment lors du pèlerinage à la Vierge de Trapani, rétabli en 2017 et célébré le 15 août.
Un projet concret de collaboration entre la Caritas régionale de Sicile et celle de Tunis se dessine : « De ce lien, nous voulons faire naître des initiatives destinées aux jeunes, en particulier en matière de formation, d’éducation et d’insertion dans le monde du travail, ainsi qu’aux familles, sans négliger de nouvelles formes de collaboration entre les deux contextes ecclésiaux et sociaux », a déclaré Mgr Antonino Raspanti, président de la Conférence Episcopale Sicilienne. Les fondations d’une collaboration concrète ont été posées, soutenues par le jumelage que le diocèse de Mazara del Vallo cultive et nourrit depuis 26 ans avec l’Église sœur de Tunis.
L’unité entre les Eglises de Tunis et de Sicile s’est consolidée la semaine suivante lors des cinq jours passés par l’archevêque de Tunis avec le presbyterium de Mazara del Vallo, auquel il a prêché les exercices spirituels. « En arrivant, j’étais l’évêque du diocèse jumelé ; maintenant je repars en frère » a déclaré Mgr Nicolas à la fin de son séjour, lors d’une rencontre publique avec des acteurs pastoraux et des soutiens du jumelage, dans l’auditorium du séminaire de Mazara del Vallo. « Aujourd’hui, avec mon frère Angelo, nous cherchons à donner un élan pastoral à ce jumelage, non pas en partant d’une logique d’efficience de projets, mais d’une connaissance réciproque, d’une prière ensemble, de la complémentarité d’une rive à l’autre de la Méditerranée. Notre souhait est que cette connaissance réciproque produise des liens de fraternité », a déclaré l’archevêque de Tunis
P. Francesco Fiorino, diocèse de Mazara del Vallo