De mars à juin derniers, j’ai sillonné le pays dans le cadre de visites pastorales à toutes les paroisses et communautés du diocèse. Ce fut une période belle et intense, lors de laquelle j’ai rencontré de très nombreuses personnes, des réalités très riches, des contextes très variés. Après mon arrivée en juin 2024, il fallait du temps pour que je puisse redécouvrir la Tunisie et notre Eglise, non pas tels que je les avais connues les vingt-cinq années où j’avais vécu ici avant mon départ en Algérie, mais tels qu’elles sont aujourd’hui. Ces visites y ont grandement contribué. Merci à tous pour votre accueil et pour tout ce que vous avez fait pour que je puisse goûter au plus près, avec vous, la réalité de ce que nous vivons.

Je voudrais partager quelques aspects de ce que j’ai perçu au cours de ces visites, et proposer des pistes pour nous encourager à avancer ensemble. Ce que je dirai n’a pas la prétention d’être exhaustif. Il ne s’agit pas non plus d’un plan d’action articulé. Le « programme » que nous devons nous donner collectivement, c’est de nous mettre ensemble à l’écoute de l’Esprit pour accueillir et vivre ensemble ce qu’il nous montre. Cette écoute active de l’Esprit Saint, à laquelle le synode sur la synodalité a encouragé l’Eglise entière, est de la responsabilité de tous. Mon rôle est d’y aider, de faire en sorte que chacun puisse y contribuer, que nous continuions de grandir ensemble comme disciples et de vivre ensemble la mission que Dieu nous confie, celle de servir sa relation d’amour avec le monde et avec la Tunisie.

Depuis que le pape François m’avait demandé de partir vers Algérie, il y a bientôt six ans, la Tunisie a évolué, notre Eglise a évolué. Au cours de ces visites, j’ai essayé d’être attentif à ces évolutions, à ce qui fait aujourd’hui la spécificité de chaque lieu, de chaque communauté. D’être attentif aussi à ce qui nous est commun, en termes de joies, d’attentes, de défis, de besoins... Je voulais enfin essayer de percevoir avec vous les « appels du pays » tels que nous pouvons les entendre à travers notre vie quotidienne avec les gens ; en échangeant avec nos collaborateurs, nos voisins, nos amis ; en rencontrant aussi des autorités, des acteurs de la société…

Cette lettre est composée de trois parties : dans la première, je présente certains des points qui m’ont frappé au cours de ces visites. Dans la seconde, je partage ce que je ressens comme un appel de Dieu pour nous tous : un appel à vivre un « nouvel enracinement ». Dans la troisième, je propose dix pistes pour avancer dans cette direction. Nous consacrerons cette année 2025-2026 à relire et, autant que possible, ajuster notre vie au regard de ces dix enjeux. Une grille de lecture, que l’on trouvera à la fin de cette lettre, pourra aider à ce travail que chaque paroisse s’efforcera de faire d’ici le printemps prochain, où auront lieu des rencontres diocésaines. Nous mettrons alors en commun ce que nous aurons fait, en évaluant le chemin parcouru et en définissant ensemble la suite de la route.

Il s’agit de « construire ensemble », en nous appuyant sur notre héritage, sur la richesse immense de ce que nous vivons aujourd’hui, sur le trésor de relations et d’amitiés que nous cultivons avec les gens ; en nous mettant à l’écoute du Seigneur, à travers sa Parole, la vie, les événements. « Avec la sagesse, on bâtit une maison, avec l’intelligence on la rend solide, avec du savoir-faire on remplit les pièces de mille biens précieux et beaux » (Pv 24,3-4) ; on le fait d’autant mieux que l’on se met à la tâche ensemble, dans la complémentarité des talents de chacun, au service du projet de Dieu. Ainsi donc, « puisque l’Esprit est notre vie, laissons-nous guider par l’Esprit » (cf. Ga 5,25).

Cette démarche rejoint l’invitation du pape Léon à mettre en œuvre les conclusions du synode sur la synodalité : participation, discernement, évaluation, et cela tous ensemble. Jusqu’au début de l’année 2027, il est demandé à toutes les Eglises dans le monde, chacune selon son visage et sa dynamique propres, de voir comment traduire en actes les recommandations du synode. Suivront en 2027-2028 des étapes régionales et continentales, puis une nouvelle assemblée à Rome, en octobre 2028. Il ne s’agit pas d’appliquer des méthodes, de créer des structures, même si cela est en partie nécessaire, mais de continuer de « marcher ensemble », en apportant chacun notre contribution active aux discernements et aux décisions opportunes pour la vie de notre Eglise aujourd’hui, dans une démarche qui soit aussi soucieuse d’évaluer pas à pas le chemin entrepris.

+ Nicolas

 Ci-dessous, l’intégralité de la lettre.

Des traductions en arabe, anglais, allemand, espagnol et italien seront bientôt disponibles également sur la page.